L’intégration d’oxydes fonctionnels dans des hétérostructures basées sur des semi-conducteurs (SC) pourrait ouvrir des perspectives très intéressantes en opto-électronique et en magnétisme, à condition de maîtriser les épitaxies SC/oxyde et oxyde/SC. Lors de la croissance de ZnSe sur SrTiO3 (001), nous avons mis en évidence une épitaxie hexagone sur cube. Une monocouche de ZnSe déposée fige la structure hexagonale et sert ensuite de gabarit pour la croissance d’un film orienté (111). Cette explication, basée sur des simulations ab initio, semble pouvoir se généraliser à d’autres semi-conducteurs, comme GaAs et InP.
SrTiO3, une pérovskite cubique, est un composé modèle pour étudier l’association d’oxydes fonctionnels avec les SC. Récemment, l’intégration de SrTiO3 sur GaAs(001) a été démontrée, avec une épitaxie cube sur cube (CoC) [1]. Une nouvelle voie à explorer est l’épitaxie inverse. Nous avons donc étudié la croissance par épitaxie par jets moléculaires de ZnSe, SC zinc-blende à grand gap potentiellement intéressant pour l’opto-électronique, sur SrTiO3(001) et mis en évidence expérimentalement une épitaxie hexagone sur cube (HoC) [FIG. 2a-b].
Cette épitaxie HoC est contre-intuitive [Fig. 1] et, en plus, mène à des fortes déformations de la couche. Le même type de croissance a été récemment signalé aussi pour GaAs/SrTiO3(001) et InP/SrTiO3(001) [2-3]. Cependant aucune modélisation DFT de cette épitaxie particulière n’a été rapportée dans la littérature.
Afin de comprendre la préférence pour la croissance hexagonale, nous avons examiné l’énergétique de ces systèmes à l’aide de calculs ab initio fondés sur la DFT, et cherché les structures atomiques de l’interface correspondant aux premiers stades de la croissance. Dans ce travail nous avons examiné différentes modèles CoC et HoC — de différents plans-contacts et de différents décalages des deux réseaux — et pris en considération les mécanismes de compensation de polarité connus dans d’autres contextes. La structure atomique de plus basse énergie de la monocouche ZnSe est montrée sur la Fig. 2d : cette structure hexagonale correspond au « contact » TiO2 : Zn. On constate que la couche a un moment dipolaire net : sa polarité n’est pas compensée à cette épaisseur.
La croissance pseudo-morphique observée dans la Fig. 2b entraîne des larges déformations de réseau dues au désaccord paramétrique dans l’hypothèse CoC et (surtout) dans la configuration HoC. L’énergétique de la formation de l’interface résulte alors du bilan de deux mécanismes : l’énergie « gagnée » par la formation de nouvelles liaisons et l’énergie « dépensée » dans la déformation élastique. Nos calculs montrent alors que, avec une seule couche de ZnSe déposée, l’énergétique est plus favorable pour la croissance hexagonale, malgré les fortes déformations de la couche. En revanche, pour des couches plus épaisses, l’énergie élastique prend le dessus et favorise la variante cubique. La situation constatée expérimentalement suggère donc que la structure hexagonale s’impose dès le premier stade de la croissance : une monocouche de ZnSe déposée fige la structure hexagonale et sert ensuite de gabarit pour la croissance d’un film orienté (111). Cette explication semble pouvoir se généraliser aux cas d’autres semi-conducteurs, comme GaAs, qui peuvent croître en orientation (111) sur des supports oxydes cubiques.
[1] Y. Liang et al., Appl. Phys. Lett. 85, 1217 (2004)
[2] H. Fujioka et al., J. Cryst. Growth 229, 137 (2001).
[3] G. Saint-Girons et al., Appl. Phys. Lett. 92, 241907 (2008).
Pour en savoir plus :
Hexagon-on-cube versus cube-on-cube epitaxy : The case of ZnSe(111) on SrTiO3(001)
B. Rache Salles, K. Kunc, M. Eddrief, V. H. Etgens, F. Finocchi and F. Vidal,
Phys. Rev. B 79, 155312 (2009).