Institut des
NanoSciences de Paris
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Oxydes en basses dimensions, fait marquant

La polarité existe-t-elle à l’échelle nano ?

Les avancées technologiques récentes ont permis un contrôle accru de la taille et de la composition des couches ultra-minces, nano-rubans, nano-îlots… Lorsqu’ils sont obtenus à partir de composés semiconducteurs ou isolants, ces nano-objets présentent des caractéristiques souvent pilotées par les interactions électrostatiques dues aux charges des anions et cations. Certains possèdent une structure et une symétrie telles que l’ensemble des charges crée des moments dipolaires croissant avec leur taille. Les théoriciens de l’INSP ont su isoler des effets de polarité originaux et spécifiques à cette échelle nanoscopique.

La divergence du moment dipolaire total, responsable des effets de polarité, a été depuis longtemps étudiée, dans le contexte de science des surfaces. Comme dans les cristaux ferroélectriques, la stabilité d’une terminaison polaire nécessite la suppression du dipôle électrostatique divergent et une forte modification de l’état de charge de surface. Cette réorganisation peut mener à des configurations atomiques et électroniques inédites, tout à fait différentes des surfaces non-polaires, avec des reconstructions à grande maille, des motifs nanométriques sur la surface, et/ou des propriétés électroniques inhabituelles.

Ce problème désormais bien connu, a amené les scientifiques à s’intéresser à la polarité dans des objets de taille nanoscopique.

Bien que le moment dipolaire total ne soit plus divergent dès que la taille de l’objet devient finie, les théoriciens de l’équipe « Oxydes en basse dimension » ont montré (1) que la présence d’un dipôle faible, mais croissant avec la taille peut influencer profondément la structure électronique d’un nano-objet polaire. En effet, dès que les différences de potentiel électrostatiques ΔV induites par ce moment dipolaire excédent la valeur du gap, un recouvrement des bandes de valence et une conduction se produisent, altérant radicalement les propriétés électroniques locales de l’objet. Avec des arguments purement électrostatiques, les chercheurs de l’INSP ont mis en évidence plusieurs propriétés nouvelles et spécifiques à l’échelle nano, liées au comportement de ΔV en fonction de la taille, de la forme, et de la dimensionnalité des nano-objets polaires.

  • La croissance de ΔV est linéaire dans les couches ultra-minces (objets 3D), logarithmique dans les nano-rubans (objets 2D), tandis que ΔV reste constant dans les chaines (objets 1D) ;
  • En fonction de la forme de l’objet, le comportement de ΔV est piloté par le paramètre structural le plus petit : soit la taille de la terminaison polaire, soit l’épaisseur du matériau dans la direction transverse ;
  • Le potentiel électrostatique varie aussi fortement dans le plan des terminaisons polaires de taille finie ;
  • De manière plus générale, c’est le comportement du potentiel électrostatique qu’il faut considérer, plus que le moment dipolaire total. Celui-ci peut en effet s’annuler par effet de compensation entre deux ou plusieurs terminaisons polaires, tout en coexistant avec de fortes variations de potentiel électrostatique.

La compréhension de ces différences de comportement entre objets macroscopiques et nano-objets est un bon point de départ pour réfléchir aux propriétés nouvelles (structurales et électroniques, et en conséquence optiques, de réactivité, etc) que l’on peut espérer des objets polaires à l’échelle nanoscopique.

 

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Figure : A gauche : Représentation d’un objet d’épaisseur H selon une direction polaire, avec une terminaison de taille L infinie (a) ou finie (b et c). A droite, variations associées du potentiel électrostatique V(z) selon la direction z perpendiculaire à la terminaison, et, en inset, dépendance, en fonction de H, de ΔV entre la terminaison polaire et le centre de l’objet. ΔV croit linéairement avec H dans un film (L>>H) (a), mais reste constant quand la taille L de la terminaison est plus petite que H (b). ΔV a un comportement divergent dans un objet symétrique (c), malgré l’absence de moment dipolaire total.

 

En savoir plus :

(1) J. Goniakowski, C. Noguera : Phys. Rev. B 83, 115413 (2011)