Institut des
NanoSciences de Paris
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Manipulation de la luminescence de nanocristaux par un cristal photonique 3D

Les cristaux photoniques sont l’objet de nombreuses recherches visant à manipuler l’émission et la propagation de la lumière. Les opales artificielles, empilements auto-organisés de billes de silice de quelques centaines de nanomètres, constituent des cristaux photoniques 3D de fabrication relativement simple. Nous avons étudié la luminescence de nanocristaux de CdTeSe infiltrés dans une opale, et la qualité de nos échantillons et de notre protocole a permis de mettre en évidence des effets de redirection et d’inhibition de la luminescence liés à l’opale, en accord avec les résultats de notre modèle numérique.

Figure 1 : (a) image AFM, réalisée à l'INSP, d'une opale fabriquée par A. Gruzintev à l'IMTHPN (Russie) (distances en microns) ;
(b) diagrammes de rayonnement normalisés de nanocristaux de CdTeSe (B. Dubertret, ESPCI) dans une opale, mesurés à différentes longueurs d'onde.

Figure 1 : (a) image AFM, réalisée à l’INSP, d’une opale fabriquée par A. Gruzintev à l’IMTHPN (Russie) (distances en microns) ; (b) diagrammes de rayonnement normalisés de nanocristaux de CdTeSe (B. Dubertret, ESPCI) dans une opale, mesurés à différentes longueurs d’onde.

Nos opales sont obtenues par sédimentation, durant quelques mois, d’une solution de billes de silice (fabrication par A. Gruzintev, IMTHPM, Russie). Nous les avons caractérisées par des études de réflexion spéculaire et de microscopie à force atomique (fig. 1-a ; collaboration avec E. Lacaze, INSP), qui ont montré la bonne qualité cristalline de ces opales, et dont nous avons extrait le diamètre et l’indice optique des billes pour chaque échantillon ; c’est la bonne qualité de ces échantillons sur toute leur surface qui nous a permis de mettre en évidence au niveau macroscopique des effets qui n’avaient été observés jusque là qu’en sélectionnant une zone microscopique de l’échantillon de bonne qualité.

Dans un cristal photonique, la densité d’états photoniques accessibles est diminuée par l’existence de bandes interdites, si bien que le taux de recombinaison radiative d’un émetteur fluorescent dans une opale doit être diminué (règle d’or de Fermi). Nous avons considéré la luminescence de nanocristaux de CdTeSe (synthèse par B. Dubertret, ESPCI), émetteurs stables et très brillants, dont la longueur d’onde d’émission (700 nm) a été choisie dans un domaine où les opales présentent peu de luminescence intrinsèque. Ces nanocristaux ont été infiltrés dans deux opales A et B de diamètres de billes 391 et 269 nm, la seconde servant de référence car l’émission des nanocristaux se trouve hors de sa bande interdite et ne doit donc pas être modifiée.

Dans une première expérience, le diagramme de rayonnement des nanocristaux a été tracé à différentes longueurs d’onde (fig. 1-b). Un creux apparaît dans chaque diagramme, correspondant à la bande interdite de l’opale (la longueur d’onde à laquelle apparaît ce creux dépend de l’angle considéré : une telle opale ne présente pas de bande interdite omnidirectionnelle). L’opale induit ainsi une redirection de l’émission lumineuse. Dans une seconde expérience, nous avons mesuré la réponse dynamique des nanocristaux à une impulsion laser (fig. 2-a). Nous trouvons un taux d’émission radiative dans l’opale A plus faible d’un facteur 0,88 que celui dans l’opale de référence B. En tenant compte de l’effet de la légère différence d’indice effectif entre les deux opales (rapport 0,96 mesuré par réflexion spéculaire), nous déduisons une inhibition de l’émission d’un facteur 0,91 par pur effet de bande interdite.

Ce résultat est en bon accord avec le facteur 0,93 prévu par nos simulations numériques (fig. 2-b). Ces simulations utilisent le logiciel MPB développé au MIT, qui calcule les modes propres du champ électromagnétique dans un milieu périodique infini, afin d’obtenir la densité d’états photoniques à l’emplacement des nanocristaux, dont est déduit le taux d’émission radiative.

(a) Courbes de déclin de la luminescence à 700 nm des nanocristaux de CdTeSe dans l'opale A (vert) et dans l'opale de référence B (noir).
(b) Diagramme de bande et densité locale d'états photoniques (en unités arbitraires) pour les opales A (noir) et B (rouge)

Figure 2 : (a) Courbes de déclin de la luminescence à 700 nm des nanocristaux de CdTeSe dans l’opale A (vert) et dans l’opale de référence B (noir). (b) Diagramme de bande et densité locale d’états photoniques (en unités arbitraires) pour les opales A (noir) et B (rouge) et pour un milieu homogène de même indice effectif (pointillés) (encart : la distribution d’indice modélisée) ; les lignes horizontales indiquent l’apparition d’une bande interdite, c’est-à-dire le moment où le comportement de l’opale n’est plus celui d’un milieu homogène ; en orange : spectre d’émission des nanocristaux (dans la bande interdite de l’opale A mais hors de celle de l’opale B).

 

Pour en savoir plus :

« Manipulating emission of CdTeSe nanocrystals embedded in 3D photonic crystals »,

Céline Vion, Carlos Barthou, Paul Bénalloul, Catherine Schwob, Laurent Coolen, Alex Gruzintev, Gennadii Emel’chenko, Vladimir Masalov, Jean-Marc Frigerio et Agnès Maître, à paraître dans Journal of Applied Physics.