étoélastique, les couches minces de MnAs, lorsqu’elles sont épitaxiées sur du GaAs(001), présentent, à température ambiante, une auto-organisation sur un réseau de longues bandes périodiques ferromagnétiques (crêtes) séparées par des bandes non ferromagnétiques (creux) (Fig.1)

Fig 1. Etude de la transition de phase de MnAs/GaAs(001) par STM en fonction de la température (4,2 x 4,2 μm2). La température est indiquée sur chaque image. La modulation de la surface correspond à l’alternance des phases ferromagnétique hexagonale α-MnAs (crêtes) et paramagnétique orthorombique β-MnAs (creux). La différence de niveau est de 2-3 nm. Les défauts, au centre de l’image, attestent que, les mesures STM ont été faites au même endroit de l’échantillon. [Thèse UPMC de Romain Breitwieser]
Ce phénomène d’auto-organisation est contrôlé par la température. Les chercheurs de l’INSP ont pensé utiliser le champ de fuite des bandes ferromagnétiques (Fig.2) afin de renverser l’aimantation d’une couche de fer qui se trouve au-dessus de la couche de MnAs.

Les couches de Fe et de MnAs sont initialement dans une configuration magnétique parallèle. Par une petite augmentation de la température, les chercheurs provoquent la structuration en bandes de MnAs (et du champ de fuite qui va avec). Ceci induit un alignement anti-parallèle entre l’aimantation de la couche mince de Fe et celle de MnAs [1]. Par conséquent, la configuration magnétique en rémanence du fer est déterminée par les lignes de champ provenant du gabarit auto-organisé. Ce résultat est visible sur les images X-PEEM (X-Ray Photoemission Microscopy) (SLS synchrotron, Switzerland) de la figure 3 [2]. Ce phénomène peut être utilisé pour renverser l’aimantation de la couche mince de fer par traitement thermique autour de la température ambiante, sans appliquer de champ magnétique. En effet, une petite variation de la température peut renverser l’aimantation d’une couche mince de 5 nm de Fe recouvrant 140 nm de MnAs. Ceci a été montré par diffusion magnétique résonante de rayons X (XRMS) au synchrotron à ELETTRA (Trieste, Italie).

Le résultat principal de ces mesures est reporté sur la Fig.4 et dans la référence [3]. A basse température, les aimantations des couches de MnAs et de Fe sont parallèles. Lorsque la température augmente, la continuité de la phase ferromagnétique de la couche de MnAs est interrompue par l’apparition des bandes non ferromagnétiques. Ceci crée un champ de fuite local qui induit un renversement abrupt -entre 13°C et 20°C - de la couche de fer au-dessus. Ainsi, à 20°C, l’aimantation du fer est complètement renversée par le champ de fuite des bandes ferromagnétiques de MnAs. Puis, en refroidissant jusqu’à la température initiale (10°C), le MnAs retrouve son aimantation initiale, alors que l’aimantation du fer reste de signe opposé tout en retrouvant bien la même valeur absolue.

Ce résultat montre que, autour de la température ambiante, (1) il est possible de stabiliser plusieurs configurations magnétiques des couches minces de Fe et de MnAs et (2) l’aimantation du Fe peut être renversée par la réalisation d’un cycle thermique de quelques degrés, sans appliquer de champ magnétique. Ce phénomène est entièrement attribué à l’auto-organisation du gabarit de MnAs et au champ de fuite qui en découle. Les efforts actuels des chercheurs de l’INSP portent sur le contrôle thermique et sur la dynamique de renversement de l’aimantation locale de ce système. Il n’est pas interdit de rêver d’un système de stockage de l’information par voie thermique basé sur des couches minces auto-organisées...
(*) MnAs, Arséniure de Manganèse, est un métal ferromagnétique à température ambiante.
(**) Champ de fuite : les lignes de champ magnétique créées dans l’espace par des sources de champ magnétique, comme les aimants.
(***) Les directions d’aimantation de la couche de fer et de MnAs sont observées séparément par des techniques de lumière au synchrotron.
En savoir plus
1. M. Sacchi, M. Marangolo, C. Spezzani, L. Coelho, R. Breitwieser, J.Milano, and V. H. Etgens., Phys. Rev. B 77, 165317 (2008).
2. R. Breitwieser, M. Marangolo, J. Lüning, N. Jaouen, L. Joly, M. Eddrief, V. H. Etgens and M. Sacchi, Appl. Phys. Lett.93, 122508 (2008).
3. M. Sacchi, M. Marangolo, C. Spezzani, R. Breitwieser, H. Popescu, R. Dealaunay, B. Rache Salles, M. Eddrief, V. H. Etgens, Phys.Rev. B 81, R220401 ( 2010).